Le gluten, véritable fléau ou phénomène de mode ?

Au hit-parade de nouveaux sujets à la une des polémiques de santé : le gluten.

Le gluten est partout : dans les émissions culinaires, dans les revues de santé, au cœur des débats radio diffusés, dans les blogs de plus grandes stars, sur des brochures dans les cabinets médicaux, au supermarché.

Le gluten ? Non, plutôt le « sans gluten ».

Depuis quelques années, on assiste à une gigantesque chasse au gluten. « Intolérants », « allergiques » …, ceux qui déclarent ne plus consommer du gluten sont légions.

Mais savent-ils seulement de quoi ils parlent ? Car qu’est- ce que le gluten ? Pourquoi peut-on y être sensible ? Que lui reproche-t-on ?

Le gluten, un composé essentiel de végétaux

Le gluten se retrouve dans le monde des végétaux. Il est constitué de deux protéines : les prolamines et les gluténines. Ces protéines assurent le stockage des oligo-éléments et des acides aminés, nécessaires au développement des jeunes pousses lors de la germination des graines.

On trouve du gluten dans de nombreuses céréales, comme le blé, l’avoine, le seigle et l’orge. Au niveau culinaire, il est responsablede l’élasticité et de la levée des pâtes, pétries comme celle du pain.

La maladie cœliaque, une véritable pathologie

Chez certaines personnes, l’absorption de gluten entraine la production d’anticorps. La protéine est considérée comme dangereuse par l’organisme. Le système immunitaire cherche à la neutraliser par une cascade de réactions inflammatoires.

La maladie se manifeste principalement par :

– des diarrhées chroniques
– un amaigrissement
– un retard de croissance chez l’enfant
– de la fatigue

Les patients se plaignent parfois d’aphtes buccaux, de douleurs osseuses ou encore de troubles de la fertilité. La confirmation diagnostique se fait par une biopsie de la muqueuse digestive. Il existe un seul traitement, simple mais contraignant : arrêter toute consommation de gluten.

Intolérance ou hypersensibilité ? Sachons faire la différence !

La maladie cœliaque, ou « intolérance au gluten », ne concerne qu’une à deux personnes sur 100.Alors pourquoi tant de personnes prétendent se porter mieux depuis qu’elles ont arrêté de manger du gluten ?

Revenons un peu en arrière.

A la Préhistoire, les Hommes ne consommaient presque pas de céréales. Ils se nourrissaient essentiellement des produits de la chasse et de la pêche. Leur système digestif était habitué à digérer ce type d’aliments. Les céréales ne sont arrivées que tardivement dans notre régime alimentaire. Notre système digestif s’est peu à peu habitué à de nouvelles molécules, comme le gluten.

Chez certaines personnes, la digestion de gluten est parfois plus compliquée. Elles se plaignent de symptômes digestifs ou extra digestifs après avoir consommé certaines céréales, sans pour autant que ces personnes souffrent d’une véritable maladie cœliaque.

On ne connait pas exactement les mécanismes de cette intolérance. Plusieurs hypothèses sont aujourd’hui privilégiées : les fructanes du blé ou les inhibiteurs de l’amylase trypsine fabriqués par les plantes pour se protéger.

Le gluten n’est pas responsable de tous les maux

Le blé contient des glucides à chaîne courte, peu absorbés et fermentescibles nommés fructanes. Ils appartiennent au groupe des FODMAPs (Fermentable Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides And Polyols), glucides pouvant poser des problèmes de digestion à certaines personnes.

Ce serait plutôt ces molécules, et non directement le gluten, sui serait responsable de l’inconfort digestif que ressentent certaines personnes après avoir consommé du gluten.

La sensibilité au gluten ne présente « pas de risque mortel ni de dégradation de l’intestin ». Elle peutnéanmoins être très inconfortable au quotidien. Mais de là à exclure le gluten de son alimentation, il y a un pas à ne pas franchir ! Si on exclut les vrais cas de maladie cœliaque, dans lesquels il est indispensable d’écarter toute consommation de gluten, se priver de gluten serait plus nocif que bénéfique.

Régime sans gluten : attention aux effets secondaires !

La plupart des personnes qui choisissent de ne plus consommer de gluten s’orientent vers d‘autres types de céréales, comme le riz ou le maïs.

Première conséquence : si ces produits se ressemblent, ils ne sont pas équivalents nutritionnellement. Le pain sans gluten est souvent plus énergétique, plus riche en glucides et plus gras que du pain « classique ».

De plus, l’index glycémique des aliments sans gluten est bien plus élevé que celui du blé.

Or consommer beaucoup d’aliments à index glycémique élevé entraine une hausse de la sécrétion d’insuline. A long terme, cela peut conduire à l’apparition de surpoids et d’un diabète.

Deuxième conséquence : le régime sans gluten pourrait entraîner des risques accrus de pathologies, notamment cardiovasculaires, d’après les chercheurs de la Harvard Medical School de Boston. Ce risque pourrait s’expliquer par les carences alimentaires liées à un régime sans gluten, mais aussi à la suppression des céréales complètes. Les céréales complètes apportent des nutriments bénéfiques au système cardio vasculaire.

De plus, les aliments à base de riz ou de maïs sont souvent bien plus chargés en additifs. En effet, il est impossible d’obtenir une pâte moelleuse et levée avec des céréales dépourvues de gluten. Les industriels sont donc obligés d’ajouter épaississants et émulsifiants.

De plus, beaucoup de ces aliments sont reconstitués, bourrés de sucres en tous genres : sirop de glucose, glucose-fructose, fructose, sirop d’agave…

Il n’y a qu’à lire la composition des aliments estampillés « sans gluten » pour s’en convaincre. En plus, le riz serait plus concentré en mercure et arsenic que le blé…..

Alors pas sûr que ce soit judicieux de stopper la consommation de gluten si on n’en a aucune raison médicale.

Phénomène de mode ?

L’intolérance au gluten est un phénomène de mode plus qu’une indication médicale. Ce régime est une véritable aubaine pour les industriels.

Les produits qui affichent « sans gluten » (un épi de blé dans un rond rouge barré) représentent en chiffre d’affaires en France d’environ 50 millions d’euros en 2016, aux Etats-Unis le marché est passé de 973 millions de dollars en 2014 à 2,3 milliards de dollars estimés en 2019.

Alors qu’ils affichent des prix deux à trois fois supérieurs aux produits classiques….

Plutôt que du « sans gluten », apprenez à choisir vos aliments

Du point de vue médical, si on exclut la maladie cœliaque, ce n’est pas le gluten en lui-même qui est dangereux, mais l’excès, sous toutes ses formes.  

Une alimentation variée incluant des produits avec gluten et des aliments sans gluten, est le meilleur moyen d’être en bonne santé !  

Il n’est absolument pas question de s’abstenir du régime sans gluten en cas de maladie cœliaque. Sinon, supprimer le gluten présente plus d’inconvénients que d’avantages.

Adopter un régime sans gluten, sans raison médicale, ne serait pas si profitable et exposerait même à un risque nutritionnel et pathologique plus élevé.

Il serait plus judicieux de choisir ses aliments en préférant les aliments les moins transformés.

En résumé, n’entamez pas un régime sans gluten strict sans un diagnostic médical professionnel, c’est à dire sans raison médicale avérée.

Dans le cas contraire, aucune raison de supprimer totalement le gluten de ses placards !

Essayer d’avoir une alimentation variée et choisir les produits les moins transformés est le meilleur moyen d’être en bonne santé !

Dr Pradère – Médecin thésé en Santé Publique